Ordonnance de Blois

La législation royale de 1579 condamne les mariages clandestins qui sont faits entre des enfants mineurs sans le consentement des parents. Ce type de crime est alors qualifié de « rapt de séduction ». Comme il en était question dans le Concile de Trente, le rapt de séduction est lui aussi assimilé à un enlèvement, à la différence que le mariage n’est pas une alternative, même si la victime y consent. Le rapt de séduction est considéré comme un rapt de violence, et ce, même s’il n’est pas accompagné d’un enlèvement. Le mariage est alors annulé et le séducteur est considéré comme un ravisseur, peu importe que la personne ravie soit consentante ou non.

Les autorités religieuses et civiles ne s’entendent pas sur les conséquences judiciaires de ce crime. Contrairement aux autorités religieuses, les tribunaux civils estiment que le rapt de séduction représente un crime irrémissible qui trouble l’ordre public. Il doit donc être puni par la peine de mort. Ce qui est bien différent de la loi adoptée par le Concile de Trente qui se limite à interdire le mariage lorsque la victime est retenue prisonnière, mais l’autorise dès qu’elle est libérée et qu’elle consent à l’union. C’est donc en grande partie pour satisfaire les parents et les familles que les pouvoirs civils ont prévalu sur les pouvoirs conciliaires[1].

L’article 42 de l’ordonnance de Blois stipule :

Voulons que ceux qui se trouveront avoir suborné fils ou filles mineurs de vingt-cinq ans, sous prétexte de mariage ou autre couleur, sans le gré, scû, vouloir ou consentement exprès des pères, mères et des tuteurs soient punis de mort sans espérance de grâce et de pardon : nonobstant tout consentement que lesdits mineurs pourroient allèguer par après avoir donné au dit rapt lors d’icelui ou auparavant.[2] (Texte original en ligne)

La peine de mort est donc, selon l’ordonnance de Blois, la sentence prévue pour ce crime. Par contre, dès le XVIIe siècle, la notion du crime est élargie. La séduction ne doit pas être nécessairement prouvée, elle peut seulement être présumée[3]. Ce qui est important, c’est que la séduction ait débuté lorsque la personne ravie est mineure. Déjà cette présomption peut amener une confusion, car le crime n’a plus besoin d’être prouvé par la victime. De plus, étant donné le caractère excessif de la sentence prévue et surtout de l’accroissement d’accusations de rapt de séduction, les tribunaux ont donné au séducteur la possibilité de se marier avec la plaignante pour éviter la peine de mort. Cette alternative vient alors contredire l’essence même de l’ordonnance qui souhaite éviter des mariages inégaux. L’ordonnance de Blois a donc ouvert la porte à de nombreuses plaintes pour rapt de séduction qui ne sont, en fait, que de simples séductions.


[1] Sabine Melchior-Bonnet et Catherine Salles, dir. Histoire du mariage, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2009, p. 548.

[2] Claude-Joseph De Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de Coutumes & de pratique, [En ligne] Adresse : http://books.google.ca/books?id=0bQWAAAAQAAJ&pg=PA449&lpg=PA449&dq=article+42+ordonnance+de+blois&source=bl&ots=4baNge7QcO&sig=jiIOsrUdNAJHviPj7Bc0ZUnrKrc&hl=fr&sa=X&ei=zrd9T9OrHZGa8gSJ9NX_DA&ved=0CCQQ6AEwATgK#v=onepage&q=article%2042%20ordonnance%20de%20blois&f=false

[3] S. Melchior-Bonnet et C. Salles, dir. Histoire du mariage, p. 548.