Commentaires des juristes

Lorsqu’on fait l’étude du rapt de séduction, on se rend compte que, bien souvent, les ouvrages laissent planer une certaine ambigüité quant à la définition du crime. Il faut dire qu’en conséquence de la confusion qui entoure le crime, en faire l’étude est une tâche très ardue. Avant 1730, la plupart des juristes confondent le rapt de séduction avec la simple séduction. Conséquemment, on retrouve dans les ouvrages de référence des descriptions erronées du crime puisqu’elles sont fréquemment basées sur de la simple séduction.

Par exemple, pour Ferrière, dans son Dictionnaire de droit et de pratique[1], le simple fait de promettre le mariage pouvait être un motif d’accusation de ce crime.

Est la subornation  qui se fait d’une jeune personne par les sollicitations secrettes, s’emparant de son cœur, & en abusant du peu d’expérience de son âge & de la faiblesse de son esprit, sous promesse de l’épouser. C’est donc se rendre coupable de ce crime, que de s’emparer du cœur d’une jeune fille, sous promesse de l’épouser, & par ce moyen l’engager à tromper la vigilance de ses pere et mere, tuteur ou curateur, & de la soulever contre autorité légitime, en la trompant par une telle promesse. (Texte original en ligne)

On retrouve aussi cette même ambiguïté chez Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert[2] quand ils indiquent :

L’autre qu’on appelle rapt de séduction, est celui qui se fait sans aucune résistance de la part de la personne ravie, & qui a lieu lorsque par artifice, promesses ou autrement, on séduit des fils ou filles mineurs & qu’on les fait consentir à leur enlevement ; on l’appelle aussi raptus in parentes, parce qu’il se commet contre le gré des parens ; ce rapt fut puni par Solon encore plus sévèrement que celui qui auroit été commis par violence. (Texte original en ligne)

Jean-François Fournel dans son Traité de la séduction considéré dans l’ordre judiciaire[3] évoque précisément la problématique entourant le crime de rapt de séduction en indiquant clairement qu’il est souvent confondu dans les procédures judiciaires avec la simple séduction, qui elle, ne relève ni du civil ni du criminel. Ce traité est important dans la mesure où l’auteur tente réellement d’éclaircir cette méprise.


[1] Claude-Joseph De Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de Coutumes & de pratique, Toulouse, Dupleix, 1779, 2 vol.

[2] Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et de métiers, par une société de gens de lettres, Genève, Pellet, 1777-1779, vol. 13.

[3] Jean-François Fournel, Traité de la séduction, considérée dans l’ordre judiciaire, Paris, Demonville, 1781, 462 p.