Les privilèges des nobles

Un procès marquant de rapt de séduction en Nouvelle-France est celui de Pierre LeMoyne d’Iberville. En 1686, ce dernier est accusé du rapt de séduction de Jeanne-Geneviève Picoté de Belestre, âgée de 19 ans. Les procédures judiciaires entourant ce procès ont été particulièrement longues. Effectivement, les procédures se sont déroulées sur 2 ans et demi, ce qui est considérablement long pour ce type de procès qui dure habituellement à peine quelques mois. Ce procès se distingue, notamment, à cause de la notoriété du personnage et surtout de son influence.

En effet, l’accusé est un personnage dont la carrière est en pleine ascension dans la colonie et il bénéficie notamment de la protection du gouverneur général, qui à l’époque pertinente, était Jacques-René de Brisay, Marquis de Denonville. Ce dernier va intervenir deux fois durant le procès pour permettre à Iberville de quitter Montréal afin d’accomplir son devoir de militaire. De plus, le tuteur de Jeanne-Geneviève, Jacques Maleray, le mari de sa sœur, doit intervenir pour demander au Conseil souverain de prendre l’affaire en charge, car le bailli de Montréal n’a pas respecté les procédures judiciaires en favorisant Iberville. Un élément majeur qui pourrait facilement expliquer son attitude dans cette affaire est le lien qui unit sa femme et la femme du frère de Pierre d’Iberville. En effet, la femme du bailli est la cousine de Gabriel Souart, qui est aussi l’oncle de Claude-Élisabeth, la femme de Charles LeMoyne fils. Il est possible de penser qu’il a favorisé la cause de l’accusé, étant donné le prestige et le réseau de la famille LeMoyne. Dans ce cas-ci, le prestige de l’accusé et l’influence de son réseau social auront un impact direct sur le déroulement du procès. Par contre, la sentence reste la même, car le jugement condamne Pierre LeMoyne d’Iberville à prendre l’enfant à charge et à verser une compensation monétaire à la plaignante. La victime, quant à elle, décidera avec l’aide de ses beaux-frères d’entrer à l’hôtel-Dieu. Elle y restera jusqu’à sa mort.  (Voir le procès)

Le procès de St-Ours est lui aussi assez complexe. Une particularité intéressante est qu’il se solde seulement par une sentence en dommage et intérêts, et ce, même si la plainte déposée était pour un viol devant témoin. Les procédures judiciaires sont longues et beaucoup de témoins viennent témoigner durant le procès. L’accusé est déclaré coupable devant la juridiction royale de Montréal, mais interjette un appel pour être finalement acquitté des accusations. Seule une compensation monétaire est demandée. Le juge de première instance ayant commis plusieurs erreurs de procédure, le procès est annulé par le Conseil souverain, lequel met fin aux procédures. Pierre de Saint-Ours finit tout de même par épouser Hélène Céloron de Blainville en 1711, soit six ans plus tard. (Voir le procès)